Best - n°7 - Octobre 1999


Dionysos

Formé en 1993 par quatre copains de lycée, Dionysos s'est taillé une jolie réputation de trublion pop au sein du petit monde indé français. Après avoir écumé les scènes de France (notamment en première partie de Louise Attaque), mais aussi en Suisse, le groupe de Valence vient de franchir une étape en signant avec une major et en s'offrant, pour son troisième disque, les services de Norman Kerner et Dan Presley, producteurs de Spain et Faith No More, entre autres.

Les Dionysos ressemblent à leur musique : une bande de lutins malicieux qui cultivent le décalage avec un art consommé. Si on leur parle de l'aspect atypique de leurs textes, volontiers surréalistes, toujours sur la corde raide, en équilibre précaire mais qu'une seule phrase suffit pourtant à faire tenir debout, Mathias Malzieu (chant) répond, le sourire aux lèvres : " Nous ne revendiquons absolument pas le côté surréaliste ; d'ailleurs, après tous les maîtres du genre, comment le pourrions-nous ? Rien n'est calculé quand j'écris. Je privilégie la spontanéité. Souvent, je trouve une ligne de guitare et chante ce qui me passe par la tête. Ensuite, je garde les mots ou les phrases qui collent et j'improvise un texte ". Et si leurs pop-songs mâtinées de folk se parent souvent de guitares saturées et de voix distordues, elles restent dénuées de toute agressivité : " C'est vrai, les textes ne sont jamais agressifs au sens littéral du terme. Je préfère jouer la carte de l'imaginaire, susciter des émotions. Même si certaines phrases comme celles de " Pyjama " sont assez violentes. Je n'aime pas l'évidence ; je préfère le côté un peu tordu avec un sourire en coin et quelque chose de plus grave en filigrane ". En sept années d'existence, le groupe n'a connu qu'un seul changement de personnel : l'arrivée dans ses rangs de la violoniste Elisabeth Ferrer. " C'est un hasard. Nous avions le morceau " Arthur " sur lequel nous voulions du violon. Nous avons demandé à une copine de venir jouer et ça nous a tellement plu que nous en avons enregistré quatre autres. Puis, elle est tombée enceinte, nous avons rencontré Babette et ça a tout de suite collé entre nous. " Deux ans et quelques deux cents concerts plus tard, Dionysos finit par atterrir chez Tréma, la maison de disques de Louise Attaque. Sa signature dans une infrastructure imposante n'altère en rien le comportement du groupe. D'après Mathias, le seul changement notable est l'augmentation conséquente des moyens mis à leur disposition. " Il ne nous ont imposé aucune barrière artistique. De toute façon, nous étions arrivés à une échéance. Si nous voulions aller de l'avant, nous ne pouvions pas faire l'album comme les précédents, en six jours, mixage compris. Ils nous ont donné un bon outil pour aller plus loin dans nos envie. Cela nous a permis d'essayer une section de cordes, d'approfondir notre penchant acoustique ; nous souhaitions qu'à l'écoute, tu aies l'impression que le groupe est à côté de toi ". Les Dionysos gardent un grand souvenir des semaines passées à San Francisco dans le studio où travaillèrent notamment des gens comme Kurt Cobain. " Au début, nous avions l'attitude fan, mais très vite tout le monde s'est mis à notre niveau et dès le lendemain nous nous sommes attelés à la tâche. Ils étaient très attentifs à nos désirs. Ils savaient comment s'y prendre pour les concrétiser. Quand nous avons suggéré d'essayer des cordes, ils nous ont déniché une section formidable. Nous n' avions pas besoin de partitions. Il suffisait qu'on leur chante ce que nous voulions et hop !, comme par magie, ils le jouaient. C'était génial, ils nous ont fait gagné un temps fou. " Quoi qu'il en soit Dionysos, qui cite Nirvana, PJ Harvey, Björk, mais aussi Tom Waits comme influences, est un groupe bien ancré dans son époque. Il est sur la route cet automne, et c'est une excellente occasion pour ceux qui ne le connaissent pas de se frotter à son univers malin et joyeusement décalé.

Par Laurent Ducastel