Longueur d'ondes - n°23 - Hiver 2003


L'ivresse du live

Certifié disque d'or depuis la mi-septembre, le quintet divin est considéré par beaucoup comme la meilleure formation rock française en activité. Inventif et ingénieux, leur pack-live en trois volets, deux disques et un DVD, en apporte une preuve flagrante.

Ce double live, c'est une volonté de votre part ?
Mathias : Oui, nous venons de passer un mois et demi en studio à Grenoble ! Il y avait seize concerts enregistrés, huit en électrique, autant en acoustique. Le déclic s'est justement fait lors de cette tournée réalisée avec des versions complètement différentes de nos chansons. Nous avons voulu garder une trace, sans doute à cause du côté éphémère de ces dix concerts. Du coup, nous avons enregistré les concerts électriques car nous y revisitons systématiquement nos versions. C'est une manière de mieux les faire vieillir, mais aussi de nous surprendre.

Envie de fixer l'instant ?
Oui, avec la volonté de présenter un document. Faire un album, c'est construire pour le futur. Là, nous avons replongé dans le passé, à la manière d'un photographe développant ses films… Mixer les morceaux a été comme faire apparaître des images dans un bac, voir des personnages en clair-obscur, avec des contrastes. Une sensation assez excitante, avec un côté séance de spiritisme assez bizarre… Nous avons ravivé des choses qui, normalement, sont faites pour exister comme un flash, juste sur le moment du concert.

Vous avez donc enregistré huit fois chaque concert et choisi les meilleurs passages ?
Non, pas du tout ! Cela ne s'est pas passé comme cela. D'ailleurs, nous changeons très souvent de répertoire, et très souvent d'interprétation ! Chaque jour est différent, nous nous en sommes rendus compte d'une manière flagrante en réécoutant les enregistrements. Plusieurs versions jouées pour la première fois sur scène ont même retenu notre attention, dont un titre répété en balance à l'Olympia. Les morceaux sont joués différemment d'un disque à l'autre.

Faire le tri n'a pas dû être facile. Repérer le meilleur jour, le meilleur moment…
Nous avons plutôt cherché à repérer les émotions, sans la prétention d'être exhaustif ou parfait. Ce n'est pas la finalité d'un album live. Les morceaux choisis dégagent tous quelque chose de spécial, une tension palpable. Et tant pis s'il y avait un défaut : il fallait d'abord que cela nous représente. Ces deux disques sont une reconstitution, à la manière d'un puzzle, avec des sources différentes.

Vous n'avez jamais refait de prises ?
Si, il y a quelques trucs. Par exemple, Babeth a refait certaines parties de violon lorsque le micro reprenait trop la batterie. Mais cela reste technique et anecdotique. Il y avait 50 morceaux à mixer en un mois et demi, alors si en plus nous nous étions amusés à refaire les prises…

La marque de fabrique de Dionysos, c'est aussi l'énergie dégagée. Et le bain de foule. Pas une représentation sans être porté par le public ?
C'est quand même arrivé sur 450 concerts ! Mais sauter dans la foule n'est pas un hold-up : nous nous donnons tout le temps à fond. Parfois, cela ne fonctionne pas, parfois je grimpe au poteau, je fais tout ce que je peux ! C'est une véritable extension du concert, une conclusion. Et j'aime ces moments où je fonctionne avec le groupe de l'autre côté de la salle ! Comme s'il y avait des ondes. Ces moments d'intimité musicale marchent plus ou moins bien selon les jours, l'humeur, si l'on est fatigué, amoureux ou content. Mais il ne faut pas isoler le fait d'aller dans la foule : c'est dans la droite logique de ce que l'on fait en concert, de ce que l'on essaie de proposer et de partager.

Cela ne se retrouve pas sur le live électrique ?
Mais ce final est présent sur l'acoustique. Nous terminons souvent les concerts électriques sur Coccinelle. Ce morceau en version longue est sur le DVD, mais effectivement pas sur le CD pour une raison simple : il ne rentrait pas ! Et puis, dans la foule, il ne reste que quelques micros d'ambiance. Alors sans les images… Nous avons préféré mettre une version électrique de Coccinelle sur le disque.

Vous allez repartir en tournée bientôt ?
Non. Nous venons de tourner non-stop pendant quatre ans, avec des moments de liberté, mais jamais de vacances. Là, il y a urgence, même si nous éprouvons pas pour autant de lassitude. Je suis toujours comme un gamin, c'est génial. Il y aura sans doute un baby blues, mais nous ressentons avec notre musique tellement de sensations et de grosses émotions, que prendre un peu de temps ne peut pas faire de mal.

Ces trois objets, les deux lives et le DVD, ne sont pas vendus ensemble ?
En fait, au début, nous voulions effectivement faire un double live, avec cette idée rigolote d'une face acoustiques et d'une face électrique. Mais lorsque nous avons vu le prix de revient en magasin, cela nous a calmé… Nous sommes des consommateurs passionnés qui achetons beaucoup de disques, alors nous n'avons pas voulu vendre les deux cd au prix fort. Là, cela laisse le choix. Ensuite, il y a le DVD des deux heures de concert à Strasbourg, à la Laiterie, devant 800 personnes. Il contient pas mal de bonus, des montages sur des remixes de Tara King ou d'Emilie Simon, des bricolages maison, des petits films, des images d'autres tournées, quelques images du passage aux Eurockéennes, devant 30 000 personnes sur la grosse scène à la nuit tombante. Il y avait une ambiance assez particulière…

Votre album Western sous la neige vient d'être certifié disque d'or (ndr : 100 000 exemplaires vendus). Une belle récompense !
Oui. Être relayé par le public est très grisant. C'est déjà génial de faire un morceau, avec une guitare folk, dans sa chambre, alors si en plus cela touche des gens, c'est un vrai bonheur ! Et là, nous allons avoir les moyens, avec notre maison de disques Tréma, de continuer à nous exprimer en liberté, de prendre des risques… Et ça, ce n'est jamais gagné. C'est juste une belle marche de franchie. A nous de sauter dessus comme un trampoline, et de ne pas nous endormir !

Patrick Auffret et Sophie Beaumesnil