L'ivresse du live
Certifié disque
d'or depuis la mi-septembre, le quintet divin est considéré
par beaucoup comme la meilleure formation rock française
en activité. Inventif et ingénieux, leur pack-live
en trois volets, deux disques et un DVD, en apporte une preuve flagrante.
Ce double live, c'est
une volonté de votre part ?
Mathias : Oui, nous venons de passer un mois et demi en studio
à Grenoble ! Il y avait seize concerts enregistrés,
huit en électrique, autant en acoustique. Le déclic
s'est justement fait lors de cette tournée réalisée
avec des versions complètement différentes de nos
chansons. Nous avons voulu garder une trace, sans doute à
cause du côté éphémère de ces
dix concerts. Du coup, nous avons enregistré les concerts
électriques car nous y revisitons systématiquement
nos versions. C'est une manière de mieux les faire vieillir,
mais aussi de nous surprendre.
Envie de fixer l'instant
?
Oui, avec la volonté de présenter un document. Faire
un album, c'est construire pour le futur. Là, nous avons
replongé dans le passé, à la manière
d'un photographe développant ses films
Mixer les morceaux
a été comme faire apparaître des images dans
un bac, voir des personnages en clair-obscur, avec des contrastes.
Une sensation assez excitante, avec un côté séance
de spiritisme assez bizarre
Nous avons ravivé des choses
qui, normalement, sont faites pour exister comme un flash, juste
sur le moment du concert.
Vous avez donc enregistré
huit fois chaque concert et choisi les meilleurs passages ?
Non, pas du tout ! Cela ne s'est pas passé comme cela. D'ailleurs,
nous changeons très souvent de répertoire, et très
souvent d'interprétation ! Chaque jour est différent,
nous nous en sommes rendus compte d'une manière flagrante
en réécoutant les enregistrements. Plusieurs versions
jouées pour la première fois sur scène ont
même retenu notre attention, dont un titre répété
en balance à l'Olympia. Les morceaux sont joués différemment
d'un disque à l'autre.
Faire le tri n'a
pas dû être facile. Repérer le meilleur jour,
le meilleur moment
Nous avons plutôt cherché à repérer les
émotions, sans la prétention d'être exhaustif
ou parfait. Ce n'est pas la finalité d'un album live. Les
morceaux choisis dégagent tous quelque chose de spécial,
une tension palpable. Et tant pis s'il y avait un défaut
: il fallait d'abord que cela nous représente. Ces deux disques
sont une reconstitution, à la manière d'un puzzle,
avec des sources différentes.
Vous n'avez jamais
refait de prises ?
Si, il y a quelques trucs. Par exemple, Babeth a refait certaines
parties de violon lorsque le micro reprenait trop la batterie. Mais
cela reste technique et anecdotique. Il y avait 50 morceaux à
mixer en un mois et demi, alors si en plus nous nous étions
amusés à refaire les prises
La marque de fabrique
de Dionysos, c'est aussi l'énergie dégagée.
Et le bain de foule. Pas une représentation sans être
porté par le public ?
C'est quand même arrivé sur 450 concerts ! Mais sauter
dans la foule n'est pas un hold-up : nous nous donnons tout le temps
à fond. Parfois, cela ne fonctionne pas, parfois je grimpe
au poteau, je fais tout ce que je peux ! C'est une véritable
extension du concert, une conclusion. Et j'aime ces moments où
je fonctionne avec le groupe de l'autre côté de la
salle ! Comme s'il y avait des ondes. Ces moments d'intimité
musicale marchent plus ou moins bien selon les jours, l'humeur,
si l'on est fatigué, amoureux ou content. Mais il ne faut
pas isoler le fait d'aller dans la foule : c'est dans la droite
logique de ce que l'on fait en concert, de ce que l'on essaie de
proposer et de partager.
Cela ne se retrouve
pas sur le live électrique ?
Mais ce final est présent sur l'acoustique. Nous terminons
souvent les concerts électriques sur Coccinelle. Ce morceau
en version longue est sur le DVD, mais effectivement pas sur le
CD pour une raison simple : il ne rentrait pas ! Et puis, dans la
foule, il ne reste que quelques micros d'ambiance. Alors sans les
images
Nous avons préféré mettre une
version électrique de Coccinelle sur le disque.
Vous allez repartir
en tournée bientôt ?
Non. Nous venons de tourner non-stop pendant quatre ans, avec des
moments de liberté, mais jamais de vacances. Là, il
y a urgence, même si nous éprouvons pas pour autant
de lassitude. Je suis toujours comme un gamin, c'est génial.
Il y aura sans doute un baby blues, mais nous ressentons avec notre
musique tellement de sensations et de grosses émotions, que
prendre un peu de temps ne peut pas faire de mal.
Ces trois objets,
les deux lives et le DVD, ne sont pas vendus ensemble ?
En fait, au début, nous voulions effectivement faire un double
live, avec cette idée rigolote d'une face acoustiques et
d'une face électrique. Mais lorsque nous avons vu le prix
de revient en magasin, cela nous a calmé
Nous sommes
des consommateurs passionnés qui achetons beaucoup de disques,
alors nous n'avons pas voulu vendre les deux cd au prix fort. Là,
cela laisse le choix. Ensuite, il y a le DVD des deux heures de
concert à Strasbourg, à la Laiterie, devant 800 personnes.
Il contient pas mal de bonus, des montages sur des remixes de Tara
King ou d'Emilie Simon, des bricolages maison, des petits films,
des images d'autres tournées, quelques images du passage
aux Eurockéennes, devant 30 000 personnes sur la grosse scène
à la nuit tombante. Il y avait une ambiance assez particulière
Votre album Western
sous la neige vient d'être certifié disque d'or
(ndr : 100 000 exemplaires vendus). Une belle récompense
!
Oui. Être relayé par le public est très grisant.
C'est déjà génial de faire un morceau, avec
une guitare folk, dans sa chambre, alors si en plus cela touche
des gens, c'est un vrai bonheur ! Et là, nous allons avoir
les moyens, avec notre maison de disques Tréma, de continuer
à nous exprimer en liberté, de prendre des risques
Et ça, ce n'est jamais gagné. C'est juste une belle
marche de franchie. A nous de sauter dessus comme un trampoline,
et de ne pas nous endormir !
Patrick Auffret et
Sophie Beaumesnil