Un an et demi après
la sortie de Western sous la neige, Dionysos s'est révélé
comme le groupe live de l'année et se prépare à
sortir Whatever The Weather, 2 CD's live - l'un acoustique,
l'autre électrique - et un DVD. De passage à Paris
pour assurer le mixage du DVD, Mathias Malzieu est venu nous chercher
- en longboard - au métro République, avant de nous
recevoir à son hôtel pour nous parler de ces 3 objets
précieux.
Rock Mag : Beaucoup
considèrent Dionysos comme la révélation live
de cette année. Comment prends-tu ce compliment ?
Mathias Malzieu : Il ne faut surtout pas se reposer là-dessus
même si c'est plutôt agréable d'avoir des bons
retours plutôt que des mauvais
(Sourire) Après,
c'est clair qu'il s'est passé de belles choses dans cette
aventure humaine et artistique cette année, avec la tournée
Aujourd'hui, on a la chance et le privilège de sortir un
live acoustique, un live électrique et un DVD. Ça
fait plein d'heures, plein de possibilités de faire des visuels
différents, des versions différentes, ça donne
plein de possibilités, de surprises à la fois pour
nous et pour les gens.
Puisqu'on parle de
vous comme d'une révélation live, est-ce que vous
avez eu l'impression d'avoir passé un palier cette année
?
Je pense qu'on évolue et qu'on apprend tous les jours, alors
j'espère qu'on avance. Mais la passion et l'esprit sont les
mêmes depuis le premier concert, il y a 10 ans pile. Ça
c'est clair et net dans notre esprit. On ne s'est pas mis à
faire quelque chose de différent. Je pense qu'il y avait
déjà un truc au début, un rapport un petit
peu comme ça, hyper punk, à tout ce qu'on fait
Après, il est évidemment que c'est en constante évolution
parce qu'on est toujours en recherche.
Votre premier concert
a eu leu il y a 10 ans pile ?
Le 16 octobre 1993, c'était notre premier concert au Café
de la Paix de Valence, j'ai gardé l'affiche dans ma chambre
On avait trois répet, et voilà quoi, on savait à
peine enchaîner les accords et on a joué 7 morceaux.
Ces deux disques
live et le DVD, c'est une sorte de bilan, une consécration
Comment vous envisagez ça ?
Ce n'est pas une consécration, c'est plus une mue de serpent
en plus. Une étape de plus dont on avait envie.
Comment s'est déroulé
le choix des morceaux retenus pour les 2 lives, l'acoustique et
l'électrique ?
On a enregistré 8 concerts électriques des derniers
concerts avant festivals et 8 concerts acoustiques, soit la quasi-totalité
de la tournée acoustique. On les a dérushés
cet été et on a choisi non pas les meilleures versions
d'un point de vue technique, mais celle où il se passait
quelque chose de spécial. On s'est concentrés sur
l'intention et l'interprétation. Est-ce que ça nous
fait des frissons ? Est-ce que ça nous donne envie de sauter
partout quand on l'écoute ?
Et pour le live du
DVD, là c'est un concert en intégral et sans montage
?
Le DVD c'est le concert de la Laiterie et basta ! On monte sur scène,
on sort de scène
Pourquoi avoir choisi
la Laiterie pour filmer ce DVD ?
Parce qu'il fallait filmer un concert et qu'on aimait bien cette
salle
En bonus, vous annoncez
des clips, des remixes, des petits films
A quoi aura-t-on
droit exactement ?
La base du DVD c'est les 2 heures de concert en intégralité.
Et après on a rajouté des petits clips qu'on avait
faits à l'époque du tout premier album, des trucs
en super 8, un peu crade, à l'arrache, et bien-sûr
les clips officiels genre Jedi, Coccinelle, les derniers
qu'on a fait pour avoir un peu les deux dimensions. Et puis, on
a mis un passage des Eurockéennes aussi sur la grosse scène.
On trouvait que c'était autre chose. C'est un grand moment
aussi, même si c'est moins personnel
Il y a aussi un
montage très rapide de Fourvière filmé avec
un caméscope posé sur scène, des images de
Avanches en Suisse un festival où on a joué avec Sum
41. on retrouve un extrait d'un concert enregistré à
La Scène avec 3 morceaux qu'on ne jouait plus sur la fin
de la tournée
On verra donc le
slam géant que tu as offert au public des Eurocks cet été
?
C'était violent ce jour-là ! J'ai cru que je n'allais
jamais remonter
(Rires) Perso, je ne faisais pas le malin,
j'ai cru que je n'arriverais jamais à revenir sur la scène.
Ça fait partie des grands moments, si on l'a mis sur le DVD
ce n'est pas pour rien
Tu le verras d'ailleurs sur l'image
en question, je suis dans un état second et le groupe sur
scène aussi
Parce que du coup le morceau s'étire
à mort et c'est un truc hyper punk. Eux ils n'en peuvent
plus, c'est un truc de marathoniens. Sans moi sur scène,
ils tiennent le truc hyper punk, hyper tendu, c'est fort
Et
ce qui est terrible aussi c'est que moi je les vois sur le grand
écran quand je suis au fond, c'est un truc de fou
Et concernant les remixes, qu'est-ce qu'il y aura?
Il y a un remix de Petit Colorado par Emilie Simon qu'on
a mis en images avec des extraits de live de justement, il y a aussi
un remix de Jedi par Tara King, un groupe romanais de trip
hop hyper innovant qu'on avait fait jouer en première partie
à Strasbourg aussi.
Comment avez-vous
rencontré Emilie Simon ?
En fait, c'est rigolo parce qu'on est tous les deux Montpelliérains
et en fait on s'est vaguement croisés à la fac parce
qu'elle était en musicologie et moi en cinéma. Elle
jouait dans un groupe à l'époque et elle nous avait
vus en concert au Rockstore
Ensuite, on a joué ensemble
cet été, on s'est retrouvé, bon feeling. Du
coup, elle nous a fait un remix de Petit Colorado et, pour son dernier
maxi, elle m'a demandé de lui faire une reprise. J'ai enregistré
une version guitare/voix de son titre Flower à l'arrache
avec mon micro mini-disc. C'est un truc low-fi, on entend même
le bruit de ma chaise !
Pour les deux disques
et le DVD, c'est Joann Sfar qui s'est occupé des pochettes
avec 3 visuels différents
Il a fait 3 pochettes à partir d'une même photo qu'on
lui a soumise. Le concept, c'était de faire des disques hantés,
il y a nos photos hyper normales et puis c'est des montages, des
dessins. Les ambiances sont très différentes, pour
l'acoustique c'est très forestier avec des mandragores tout
ça, alors que l'électrique ce sont plus des vampires,
des donjons
Le DVD, lui, fait très film des années
30, genre comédie à la Capra.
Et lui comment l'avez-vous
rencontré ?
On avait fait une pochette pour Don Diego avec des artistes
toulousains qui s'appellent Cool Jo et Siou. On a discuté
pas mal et ils m'ont dit : " Si t'aimes bien Tim Burton
tout ça, tu devrais lire Petit vampire de Joann Sfar, c'est
hyper bien. " Donc je l'ai acheté et j'ai flashé
total
J'ai lu tous les Petit vampire et après
j'ai enchaîné sur la suite avec Grand vampire,
j'ai trouvé ça génial. Après j'ai lu
Le chat du rabbin et un jour je li ai envoyé un mail
via son site internet : " Si jamais un jour tu fais un film
ou un dessin animé de tes trucs, j'adorerais faire la musique
parce que j'adore ton univers, je trouve ça super bien. "
Et lui, coïncidence, il m'a envoyé un mail : "
Tiens justement je vous ai vus récemment à la TV et
j'ai trouvé qu'on était dans le même univers,
on a la même sensibilité. Voyons-nous à Paris
la prochaine fois que tu viens, on ira boire un coup. "
C'est ce qu'on a fait et en 10 minutes on avait l'impression que
ça faisait hyper longtemps qu'on se connaissait. Nous, en
plus, on est des putains de mère poule par rapport à
notre univers, on a du mal à donner les clés à
n'importe qui, on aime bien faire tout nous-mêmes, on fait
peu confiance en fait
Mais quand on a un bon feeling, on laisse
les clés.
Et il y a d'autres
projets avec lui maintenant ?
C'est possible, là il y a un truc qui est en train de partir
c'est que son éditeur, Delcourt, voudrait faire un album
de BD qui serait en fait des adaptations BD de nos chansons. Où
Joann Sfar serait directeur artistique du truc, c'est-à-dire
qu'il ferait à la fois des dessins et il choisirait avec
nous d'autres dessinateurs à qui on enverrait nos chansons
et puis peut-être un ou deux textes de mon livre de nouvelles.
Finalement, si tu
devais retenir une image de toute la tournée qui a suivi
la sortie de Western sous la neige ?
Difficile ! J'ai un souvenir particulièrement émouvant
de l'Olympia avec le balcon où il y avait tous nos parents,
les frères, les surs
ça a un côté
complètement décalé et en même temps
ce qui était super fort c'est qu'on a pas fait un concert
pour les parents, c'était pas le goûter d'anniversaire
! On a été exactement à notre image, avec nos
qualités, nos défauts, nos excès, nos imperfections
et notre truc
Je trouve ça en fait complètement
impudique de faire un concert devant ses parents, amis en même
temps, c'est hyper touchant.
C'est comme faire
l'amour devant ses parents ?
C'est pas exactement ça
Mais il y a de ça un
peu. C'était une image très forte
Après,
évidemment, il y a les rencontres : celle avec Iggy Pop au
théâtre antique de Vienne l'année dernière,
celle avec les Kills aussi. Iggy Pop, il nous a regardé du
côté de la scène et après le concert
il nous a dit : " Vous êtes François Truffaut
with a rock'n'roll band
" (Rires) On avait l'impression
d'avoir 4 ans, on était euphoriques et à la fois vachement
intimidés. Ensuite, il y a aussi des souvenirs de très
gros trucs, genre Solidays, des machins comme ça
C'est
différent, j'aime bien les petites scènes pour l'intimité,
mais quand c'est gris et qu'il y a cette espèce d'inertie
que ça prend, c'est quand même de grosses sensations,
t'as l'impression que tout peut arriver. Et cette sensation de folie
- qui est à la fois magique et un peu ridicule - où
tu te dis que tu pourrais te jeter contre la batterie et que t'aurais
même pas mal, cette sensation de sortir un peu de son corps,
c'est assez exceptionnel
Mais après si je commence
à partir dans les souvenirs, il y en a vraiment une foule.
Par Nicolas Denans