Rock Mag - n°36 - Décembre 2003


Mystery Live

Un an et demi après la sortie de Western sous la neige, Dionysos s'est révélé comme le groupe live de l'année et se prépare à sortir Whatever The Weather, 2 CD's live - l'un acoustique, l'autre électrique - et un DVD. De passage à Paris pour assurer le mixage du DVD, Mathias Malzieu est venu nous chercher - en longboard - au métro République, avant de nous recevoir à son hôtel pour nous parler de ces 3 objets précieux.

Rock Mag : Beaucoup considèrent Dionysos comme la révélation live de cette année. Comment prends-tu ce compliment ?
Mathias Malzieu :
Il ne faut surtout pas se reposer là-dessus même si c'est plutôt agréable d'avoir des bons retours plutôt que des mauvais… (Sourire) Après, c'est clair qu'il s'est passé de belles choses dans cette aventure humaine et artistique cette année, avec la tournée… Aujourd'hui, on a la chance et le privilège de sortir un live acoustique, un live électrique et un DVD. Ça fait plein d'heures, plein de possibilités de faire des visuels différents, des versions différentes, ça donne plein de possibilités, de surprises à la fois pour nous et pour les gens.

Puisqu'on parle de vous comme d'une révélation live, est-ce que vous avez eu l'impression d'avoir passé un palier cette année ?
Je pense qu'on évolue et qu'on apprend tous les jours, alors j'espère qu'on avance. Mais la passion et l'esprit sont les mêmes depuis le premier concert, il y a 10 ans pile. Ça c'est clair et net dans notre esprit. On ne s'est pas mis à faire quelque chose de différent. Je pense qu'il y avait déjà un truc au début, un rapport un petit peu comme ça, hyper punk, à tout ce qu'on fait… Après, il est évidemment que c'est en constante évolution parce qu'on est toujours en recherche.

Votre premier concert a eu leu il y a 10 ans pile ?
Le 16 octobre 1993, c'était notre premier concert au Café de la Paix de Valence, j'ai gardé l'affiche dans ma chambre… On avait trois répet, et voilà quoi, on savait à peine enchaîner les accords et on a joué 7 morceaux.

Ces deux disques live et le DVD, c'est une sorte de bilan, une consécration… Comment vous envisagez ça ?
Ce n'est pas une consécration, c'est plus une mue de serpent en plus. Une étape de plus dont on avait envie.

Comment s'est déroulé le choix des morceaux retenus pour les 2 lives, l'acoustique et l'électrique ?
On a enregistré 8 concerts électriques des derniers concerts avant festivals et 8 concerts acoustiques, soit la quasi-totalité de la tournée acoustique. On les a dérushés cet été et on a choisi non pas les meilleures versions d'un point de vue technique, mais celle où il se passait quelque chose de spécial. On s'est concentrés sur l'intention et l'interprétation. Est-ce que ça nous fait des frissons ? Est-ce que ça nous donne envie de sauter partout quand on l'écoute ?

Et pour le live du DVD, là c'est un concert en intégral et sans montage ?
Le DVD c'est le concert de la Laiterie et basta ! On monte sur scène, on sort de scène…

Pourquoi avoir choisi la Laiterie pour filmer ce DVD ?
Parce qu'il fallait filmer un concert et qu'on aimait bien cette salle…

En bonus, vous annoncez des clips, des remixes, des petits films… A quoi aura-t-on droit exactement ?
La base du DVD c'est les 2 heures de concert en intégralité. Et après on a rajouté des petits clips qu'on avait faits à l'époque du tout premier album, des trucs en super 8, un peu crade, à l'arrache, et bien-sûr les clips officiels genre Jedi, Coccinelle, les derniers qu'on a fait pour avoir un peu les deux dimensions. Et puis, on a mis un passage des Eurockéennes aussi sur la grosse scène. On trouvait que c'était autre chose. C'est un grand moment aussi, même si c'est moins personnel… Il y a aussi un montage très rapide de Fourvière filmé avec un caméscope posé sur scène, des images de Avanches en Suisse un festival où on a joué avec Sum 41. on retrouve un extrait d'un concert enregistré à La Scène avec 3 morceaux qu'on ne jouait plus sur la fin de la tournée…

On verra donc le slam géant que tu as offert au public des Eurocks cet été ?
C'était violent ce jour-là ! J'ai cru que je n'allais jamais remonter… (Rires) Perso, je ne faisais pas le malin, j'ai cru que je n'arriverais jamais à revenir sur la scène. Ça fait partie des grands moments, si on l'a mis sur le DVD ce n'est pas pour rien… Tu le verras d'ailleurs sur l'image en question, je suis dans un état second et le groupe sur scène aussi… Parce que du coup le morceau s'étire à mort et c'est un truc hyper punk. Eux ils n'en peuvent plus, c'est un truc de marathoniens. Sans moi sur scène, ils tiennent le truc hyper punk, hyper tendu, c'est fort… Et ce qui est terrible aussi c'est que moi je les vois sur le grand écran quand je suis au fond, c'est un truc de fou…

Et concernant les remixes, qu'est-ce qu'il y aura?
Il y a un remix de Petit Colorado par Emilie Simon qu'on a mis en images avec des extraits de live de justement, il y a aussi un remix de Jedi par Tara King, un groupe romanais de trip hop hyper innovant qu'on avait fait jouer en première partie à Strasbourg aussi.

Comment avez-vous rencontré Emilie Simon ?
En fait, c'est rigolo parce qu'on est tous les deux Montpelliérains et en fait on s'est vaguement croisés à la fac parce qu'elle était en musicologie et moi en cinéma. Elle jouait dans un groupe à l'époque et elle nous avait vus en concert au Rockstore… Ensuite, on a joué ensemble cet été, on s'est retrouvé, bon feeling. Du coup, elle nous a fait un remix de Petit Colorado et, pour son dernier maxi, elle m'a demandé de lui faire une reprise. J'ai enregistré une version guitare/voix de son titre Flower à l'arrache avec mon micro mini-disc. C'est un truc low-fi, on entend même le bruit de ma chaise !

Pour les deux disques et le DVD, c'est Joann Sfar qui s'est occupé des pochettes avec 3 visuels différents…
Il a fait 3 pochettes à partir d'une même photo qu'on lui a soumise. Le concept, c'était de faire des disques hantés, il y a nos photos hyper normales et puis c'est des montages, des dessins. Les ambiances sont très différentes, pour l'acoustique c'est très forestier avec des mandragores tout ça, alors que l'électrique ce sont plus des vampires, des donjons… Le DVD, lui, fait très film des années 30, genre comédie à la Capra.

Et lui comment l'avez-vous rencontré ?
On avait fait une pochette pour Don Diego avec des artistes toulousains qui s'appellent Cool Jo et Siou. On a discuté pas mal et ils m'ont dit : " Si t'aimes bien Tim Burton tout ça, tu devrais lire Petit vampire de Joann Sfar, c'est hyper bien. " Donc je l'ai acheté et j'ai flashé total… J'ai lu tous les Petit vampire et après j'ai enchaîné sur la suite avec Grand vampire, j'ai trouvé ça génial. Après j'ai lu Le chat du rabbin et un jour je li ai envoyé un mail via son site internet : " Si jamais un jour tu fais un film ou un dessin animé de tes trucs, j'adorerais faire la musique parce que j'adore ton univers, je trouve ça super bien. " Et lui, coïncidence, il m'a envoyé un mail : " Tiens justement je vous ai vus récemment à la TV et j'ai trouvé qu'on était dans le même univers, on a la même sensibilité. Voyons-nous à Paris la prochaine fois que tu viens, on ira boire un coup. " C'est ce qu'on a fait et en 10 minutes on avait l'impression que ça faisait hyper longtemps qu'on se connaissait. Nous, en plus, on est des putains de mère poule par rapport à notre univers, on a du mal à donner les clés à n'importe qui, on aime bien faire tout nous-mêmes, on fait peu confiance en fait… Mais quand on a un bon feeling, on laisse les clés.

Et il y a d'autres projets avec lui maintenant ?
C'est possible, là il y a un truc qui est en train de partir c'est que son éditeur, Delcourt, voudrait faire un album de BD qui serait en fait des adaptations BD de nos chansons. Où Joann Sfar serait directeur artistique du truc, c'est-à-dire qu'il ferait à la fois des dessins et il choisirait avec nous d'autres dessinateurs à qui on enverrait nos chansons et puis peut-être un ou deux textes de mon livre de nouvelles.

Finalement, si tu devais retenir une image de toute la tournée qui a suivi la sortie de Western sous la neige ?
Difficile ! J'ai un souvenir particulièrement émouvant de l'Olympia avec le balcon où il y avait tous nos parents, les frères, les sœurs… ça a un côté complètement décalé et en même temps ce qui était super fort c'est qu'on a pas fait un concert pour les parents, c'était pas le goûter d'anniversaire ! On a été exactement à notre image, avec nos qualités, nos défauts, nos excès, nos imperfections et notre truc… Je trouve ça en fait complètement impudique de faire un concert devant ses parents, amis en même temps, c'est hyper touchant.

C'est comme faire l'amour devant ses parents ?
C'est pas exactement ça… Mais il y a de ça un peu. C'était une image très forte… Après, évidemment, il y a les rencontres : celle avec Iggy Pop au théâtre antique de Vienne l'année dernière, celle avec les Kills aussi. Iggy Pop, il nous a regardé du côté de la scène et après le concert il nous a dit : " Vous êtes François Truffaut with a rock'n'roll band… " (Rires) On avait l'impression d'avoir 4 ans, on était euphoriques et à la fois vachement intimidés. Ensuite, il y a aussi des souvenirs de très gros trucs, genre Solidays, des machins comme ça… C'est différent, j'aime bien les petites scènes pour l'intimité, mais quand c'est gris et qu'il y a cette espèce d'inertie que ça prend, c'est quand même de grosses sensations, t'as l'impression que tout peut arriver. Et cette sensation de folie - qui est à la fois magique et un peu ridicule - où tu te dis que tu pourrais te jeter contre la batterie et que t'aurais même pas mal, cette sensation de sortir un peu de son corps, c'est assez exceptionnel… Mais après si je commence à partir dans les souvenirs, il y en a vraiment une foule.

Par Nicolas Denans