Rock Mag - n°51 - Mars 2005

DIONYSOS A PAS DE GEANT

Occupé à l'écriture de son premier roman, Maintenant qu'il fat tout le temps nuit sur toi… Mathias Malzieu n'en a pas oublié Dionysos, qui devrait livrer son 3è album cet été.

Rock Mag : Ça y est, ton roman est fini et sort le 3 mars…

Mathias Malzieu : Ouais, ça y est, ça existe, j'ai mon exemplaire entre les mains. Ça fait un drôle d'effet.

Quand et comment es-tu parti là-dessus ?
J'ai commencé à vouloir faire un roman après les 38 mini-westerns. Après les petites nouvelles, j'avais envie de me tenter sur une histoire plus longue et j'ai créé un personnage qui était l'homme-volcan.

Cet homme-volcan, c'était toi ?
Oui, complètement ! Sauf que c'était un homme-volcan et que dès qu'il tombait amoureux ou qu'il se mettait en colère, il y avait des volcans qui lui poussaient dans le dos. Ce qui faisait que d'un côté, il pouvait faire le malin, parce que ça faisait des feux d'artifice mais la plupart du temps, il foutait le feu partout, il se brûlait lui-même, résultat il n'était pas super convaincant comme garçon. (Rires) Après, le fait est que quand j'ai perdu ma mère (en septembre 2003, Ndlr), la logique qui s'imposait, c'était de parler de ça. Depuis le début, dans mes chansons, sur les albums, j'ai toujours parlé de ce qui me tenait le plus à cœur, donc j'ai mis ça dans le roman. A un moment, je me suis même dit qu'il fallait que j'écrive deux romans et puis j'ai finalement essayé de les relier. Au début, la première partie fonctionnait bien, mais au fur et à mesure, l'homme-volcan faisait écran… Il ne fallait pas que je triche, qu'un personnage me remplace et supporte les choses à ma place. Là, j'ai tout repris. Je me suis pris moi comme narrateur, je suis parti sur les vrais noms, le vrai nom du village, etc. Ça peut paraître dérisoire, mais ce sont des repères forts et du coup toute la partie onirique est vachement plus contrastée parce que les trucs vrais sont vraiment vrais, et quand c'est onirique c'est vraiment onirique, alors qu'avec l'homme-volcan, je jouais sur l'ambiguïté : Est-ce moi ? Pas moi ? Là-dessus, j'ai inventé un géant qui vient me donner des conseils, qui vient m'aider, mais à qui je ne fais rien arriver à ma place. Il a son histoire, sa propre personnalité qui est différente de la mienne. C'est un personnage composite des gens que j'aime, comme mon père, mes amis préférés, les chanteurs et acteurs que j'aime bien. C'est un géant de 4m50, qui a 130 ans et qui a vu toute sa famille partir, et donc il a appris à gérer le deuil. Il a tellement appris à se protéger qu'il est devenu un géant dont on ne sait pas bien s'il est mort ou non. Il est un peu entre les deux, un peu passeur entre les mondes et il a une ombre tellement grande qu'il la sert aux gens dans le deuil comme des plâtres, des cataplasmes pour le cœur en fait ! Le livre est une espèce de conte initiatique sur l'impossibilité du deuil en gros…

Parallèlement le nouvel album de Dionysos a commencé à voir le jour ?
On a arrêté la tournée Western sous la neige en octobre (2003, Ndlr) et je me suis mis en vacances-écriture. Finalement, il y a eu un pont qui s'est fait entre le disque et le livre et ça a été un peu comme faire la BO d'un film. Au début, je ne pensais me consacrer qu'au roman, puis j'ai eu un ukulélé à Noël. A partir de là, j'ai commencé à écrire des morceaux, mais sans me dire : Tac, ça y est, je me remets au travail, voici les chansons du nouvel album ! J'ai mis des trucs de côté et ça m'a fait du bien d'avoir la musique, de faire une petite pause et de ne plus lire le texte un moment. Vers février, j'ai mis le livre en sommeil et on s'est retrouvés pour rejouer tous ensemble, juste pour le plaisir. Ce n'était pas prévu, mais on a fait deux chansons en une semaine. L'une d'entre elles avait été inventée pour le livre. J'avais écrit les paroles d'une chanson en anglais qui sert un peu à faire venir le géant et je me disais qu'il fallait qu'elle existe. C'est Giant Jack, une sorte d'incantation pop rock. Ça a été la première chanson. Je suis arrivé devant les autres, j'ai balancé Giant Jack et je leur ai expliqué : C'est le truc du livre, c'est le personnage, un géant etc. Et l'album est un peu parti sur cette base.

Il y a d'autres titres en relation directe avec le livre ?
Il y a des correspondances un peu et deux titres sont en relation directe, Giant Jack et Mon ombre est personne qui est sur le fait que le géant m'offre une ombre et comment s'en débrouiller, parce qu'en même temps ça rend maladroit, je me prends un peu les pieds dedans. C'est comme un plâtre. Ça t'aide à guérir ce qu'il y a à l'intérieur, mais ça t'encombre pas mal aussi !

Vous avez combien de morceaux pour l'instant ?
On en a 13 ! Après, moi, j'ai d'autres morceaux sur mini-disc, des trucs en guitare/voix à l'arrache qui deviendront peut-être des morceaux, on verra. Mais la base, on l'a.

Vous êtes partis en session à Meknès au Maroc en septembre. C'est là que vous avez sérieusement avancé sur l'album ?
On a eu la possibilité d'aller au Maroc pour faire une résidence. On avait déjà deux morceaux, mais en même temps, on ne voulait pas que la maison de disque pense qu'on reviendrait forcément avec des maquettes. On voulait juste profiter du fait d'avoir un théâtre pour nous afin d'expérimenter des choses. Le but au départ était plus de se faire une petite bibliothèque de sons qu'on réutiliserait pour les chansons futures. On a commencé un peu à faire ça et puis tout de suite ça nous a picotés de faire des chansons. Au bout du compte, on est revenu avec 5 chansons de plus ! Ça faisait 7 et on était déjà à la moitié de l'album ! C'était rigolo, on bouffait des crêpes, du thé à la menthe et on était dans ce petit théâtre avec des gens adorables sans compter le petit côté dépaysement. Ça te donne de l'énergie… Là, tu ne penses qu'à une seule chose, tu manges ta crêpe, tu bois ton putain de thé et tu te concentres à essayer de fabriquer des chansons ! C'est Charlie et la chocolaterie quoi ! (Rires)

Vous avez bougé un peu dans le pays aussi ?
En 3 semaines, moi je suis allé à Tanger. On avait un day off et j'avais envie de voir ça par rapport à une ville de passage, un peu tendue. Et puis, j'avais lu plein de livres qui s'étaient passés là-bas, des trucs de Burroughs, de Kerouac… Ensuite, on est tous allés dans le désert à Merzouga, on a fait toute la route du Moyen-Atlas. Là-bas, on s'est retrouvés en plein Far West avec ces montagnes rouges. C'était un western sous le sable ! D'ailleurs c'est marrant, sur la route, on s'est écouté en boucle le dernier Björk, et dans ce décor-là, avec cette musique venue du froid, c'était génial ! On a finalement débarqué dans une espèce d'auberge qui semblait sortir du sable. Là, on est partis faire du surf sur les dunes. On s'est retrouvé à 7h du mat avec des mecs en chameau avec les surfs des neiges, ça valait de spoints ! Quand on est arrivés, on pensait vraiment que les mecs connaissaient un peu leur truc et en fait rien du tout. Finalement, on s'est démerdés , on a chaussé les trucs et voilà. Ça va beaucoup moins vite que sur la neige, ça glisse moins, mais ce qui est impressionnant c'est que du coup tu peux prendre des pentes très très raides tout en maîtrisant ! Après tu remontes à pied parce que forcement y a pas de tire-fesses. T'as le sable qui se dérobe, c'est vraiment l'ambiance. A un moment, le mec me fait : " Deux descentes, c'est bien, tu vas fatiguer là. " Au final, j'en ai fait 4 et j'ai vomi en haut ! (Rires) En définitive, on a fait deux excursions et on a surtout beaucoup travaillé. Au théâtre, avec des conditions aussi idéales, on se faisait des grosses journées. On avait les clés, on bossait à l'heure qu'on voulait, il y avait une boulimie de … comme quand tu découvres un nouveau jouet, t'as pas envie de te coucher ! Finalement, après 3 semaines et ces 7 premiers morceaux, on a demandé si on pouvait revenir au Maroc pour enchaîner la suite, mais c'était un peu compliqué. En même temps, on était dans la lancée et on ne voulait pas attendre avril pour faire la deuxième moitié de l'album. On s'est un peu reposés et on a continué en novembre dans un moulin à Tourzel Ronzières, à côté de Clermont-Ferrand. C'était un peu plus austère et moins rigolo que le Maroc, mais par contre, super conditions aussi, avec des gens adorables qui nous ont super bien accueillis. Et du coup, voilà, on a fini l'album, même si ça ne veut pas dire qu'il n'y a aura pas des morceaux en plus. On se connaît, on aime bien les surprises de dernier moment ! Mais l'ossature et l'esprit du truc sont là !

Vous savez avec qui vous allez le produire ?
John Parish (guitariste de PJ Harvey et producteur pour PJ Harvey, Eels, Giant Sand, Sparklehorse, Ndlr), c'est sûr. On l'a rencontré par l'intermédiaire de Barclay pour la reprise de Thank You Satan, il y a maintenant 2 ans. On était fans de ce qu'il faisait, on était super contents du résultat, et même humainement, les 3 jours se sont super bien passés. On aurait bien voulu repartir avec Albini (producteur pour Nirvana et les Pixies, Ndlr) parce qu' on a adoré bosser avec lui sur Western sous la neige, mais là, en même temps, avec Parish, il y a l'excitation de repartir sur un truc nouveau. Et puis il y a un autre mec qui a répondu aussi suite aux maquettes qu'il a reçues, c'est Valgeir Sigurdsson (Sigur Ros, Björk, Mum) qui nous a dit OK aussi. On leur a proposé de travailler ensemble et ils étaient intéressés ! Malheureusement, Sigurdsson est pris pour une BO avec Björk jusqu'à mi-juillet et donc ça faisait trop loin. Donc voilà, on va le faire avec Parish et puis peut-être qu'il y aura d'autres personnes avec lui. Pour les mixes justement, on pensait à des mecs comme Sigurdsson ou comme Buck 65 que j'adore. On ne sait pas la tournure que ça peut prendre, mais en tout cas, c'est des gens qui me passionnent. Donc, si ça peut le faire, tant mieux.

Vous n'allez pas partir en Islande comme prévu au départ ?
Non, c'est mal barré pour l'Islande. Sigurdsson va sûrement faire des mixes quand même, mais son studio va être pris. Donc là, on n'est pas encore sûrs, mais Parish a l'air de connaître un studio qu'il aime bien à Copenhague. C'est pas mal non plus…

Et ça resterait un peu dans le côté chaud et froid…
Exactement. Et 15 jours après, on repart en résidence au Maroc pour préparer les concerts afin que la boucle soit bouclées et parce qu'on a beaucoup apprécié l'accueil là-bas. On fera le premier concert des nouveaux morceaux dans le fameux théâtre où on les a répétés ! Ça devrait se faire en juin, avant la sortie de l'album qui est pour l'instant prévu au 28 août.

Par Nicolas Denans