DIONYSOS A PAS DE GEANT
Occupé à l'écriture de son
premier roman, Maintenant qu'il fat tout le temps nuit sur toi
Mathias Malzieu n'en a pas oublié Dionysos, qui devrait livrer
son 3è album cet été.
Rock Mag : Ça y est, ton roman est fini et sort le 3 mars
Mathias Malzieu : Ouais, ça y est, ça existe,
j'ai mon exemplaire entre les mains. Ça fait un drôle
d'effet.
Quand et comment es-tu parti là-dessus ?
J'ai commencé à vouloir faire un roman après
les 38 mini-westerns. Après les petites nouvelles, j'avais
envie de me tenter sur une histoire plus longue et j'ai créé
un personnage qui était l'homme-volcan.
Cet homme-volcan, c'était toi ?
Oui, complètement ! Sauf que c'était un homme-volcan
et que dès qu'il tombait amoureux ou qu'il se mettait en
colère, il y avait des volcans qui lui poussaient dans le
dos. Ce qui faisait que d'un côté, il pouvait faire
le malin, parce que ça faisait des feux d'artifice mais la
plupart du temps, il foutait le feu partout, il se brûlait
lui-même, résultat il n'était pas super convaincant
comme garçon. (Rires) Après, le fait est que
quand j'ai perdu ma mère (en septembre 2003, Ndlr), la logique
qui s'imposait, c'était de parler de ça. Depuis le
début, dans mes chansons, sur les albums, j'ai toujours parlé
de ce qui me tenait le plus à cur, donc j'ai mis ça
dans le roman. A un moment, je me suis même dit qu'il fallait
que j'écrive deux romans et puis j'ai finalement essayé
de les relier. Au début, la première partie fonctionnait
bien, mais au fur et à mesure, l'homme-volcan faisait écran
Il ne fallait pas que je triche, qu'un personnage me remplace et
supporte les choses à ma place. Là, j'ai tout repris.
Je me suis pris moi comme narrateur, je suis parti sur les vrais
noms, le vrai nom du village, etc. Ça peut paraître
dérisoire, mais ce sont des repères forts et du coup
toute la partie onirique est vachement plus contrastée parce
que les trucs vrais sont vraiment vrais, et quand c'est onirique
c'est vraiment onirique, alors qu'avec l'homme-volcan, je jouais
sur l'ambiguïté : Est-ce moi ? Pas moi ? Là-dessus,
j'ai inventé un géant qui vient me donner des conseils,
qui vient m'aider, mais à qui je ne fais rien arriver à
ma place. Il a son histoire, sa propre personnalité qui est
différente de la mienne. C'est un personnage composite des
gens que j'aime, comme mon père, mes amis préférés,
les chanteurs et acteurs que j'aime bien. C'est un géant
de 4m50, qui a 130 ans et qui a vu toute sa famille partir, et donc
il a appris à gérer le deuil. Il a tellement appris
à se protéger qu'il est devenu un géant dont
on ne sait pas bien s'il est mort ou non. Il est un peu entre les
deux, un peu passeur entre les mondes et il a une ombre tellement
grande qu'il la sert aux gens dans le deuil comme des plâtres,
des cataplasmes pour le cur en fait ! Le livre est une espèce
de conte initiatique sur l'impossibilité du deuil en gros
Parallèlement le nouvel album de Dionysos a commencé
à voir le jour ?
On a arrêté la tournée Western sous la neige
en octobre (2003, Ndlr) et je me suis mis en vacances-écriture.
Finalement, il y a eu un pont qui s'est fait entre le disque et
le livre et ça a été un peu comme faire la
BO d'un film. Au début, je ne pensais me consacrer qu'au
roman, puis j'ai eu un ukulélé à Noël.
A partir de là, j'ai commencé à écrire
des morceaux, mais sans me dire : Tac, ça y est, je me remets
au travail, voici les chansons du nouvel album ! J'ai mis des trucs
de côté et ça m'a fait du bien d'avoir la musique,
de faire une petite pause et de ne plus lire le texte un moment.
Vers février, j'ai mis le livre en sommeil et on s'est retrouvés
pour rejouer tous ensemble, juste pour le plaisir. Ce n'était
pas prévu, mais on a fait deux chansons en une semaine. L'une
d'entre elles avait été inventée pour le livre.
J'avais écrit les paroles d'une chanson en anglais qui sert
un peu à faire venir le géant et je me disais qu'il
fallait qu'elle existe. C'est Giant Jack, une sorte d'incantation
pop rock. Ça a été la première chanson.
Je suis arrivé devant les autres, j'ai balancé Giant
Jack et je leur ai expliqué : C'est le truc du livre, c'est
le personnage, un géant etc. Et l'album est un peu parti
sur cette base.
Il y a d'autres titres en relation directe avec
le livre ?
Il y a des correspondances un peu et deux titres sont en relation
directe, Giant Jack et Mon ombre est personne qui
est sur le fait que le géant m'offre une ombre et comment
s'en débrouiller, parce qu'en même temps ça
rend maladroit, je me prends un peu les pieds dedans. C'est comme
un plâtre. Ça t'aide à guérir ce qu'il
y a à l'intérieur, mais ça t'encombre pas mal
aussi !
Vous avez combien de morceaux pour l'instant ?
On en a 13 ! Après, moi, j'ai d'autres morceaux sur mini-disc,
des trucs en guitare/voix à l'arrache qui deviendront peut-être
des morceaux, on verra. Mais la base, on l'a.
Vous êtes partis en session à Meknès
au Maroc en septembre. C'est là que vous avez sérieusement
avancé sur l'album ?
On a eu la possibilité d'aller au Maroc pour faire une résidence.
On avait déjà deux morceaux, mais en même temps,
on ne voulait pas que la maison de disque pense qu'on reviendrait
forcément avec des maquettes. On voulait juste profiter du
fait d'avoir un théâtre pour nous afin d'expérimenter
des choses. Le but au départ était plus de se faire
une petite bibliothèque de sons qu'on réutiliserait
pour les chansons futures. On a commencé un peu à
faire ça et puis tout de suite ça nous a picotés
de faire des chansons. Au bout du compte, on est revenu avec 5 chansons
de plus ! Ça faisait 7 et on était déjà
à la moitié de l'album ! C'était rigolo, on
bouffait des crêpes, du thé à la menthe et on
était dans ce petit théâtre avec des gens adorables
sans compter le petit côté dépaysement. Ça
te donne de l'énergie
Là, tu ne penses qu'à
une seule chose, tu manges ta crêpe, tu bois ton putain de
thé et tu te concentres à essayer de fabriquer des
chansons ! C'est Charlie et la chocolaterie quoi ! (Rires)
Vous avez bougé un peu dans le pays aussi
?
En 3 semaines, moi je suis allé à Tanger. On avait
un day off et j'avais envie de voir ça par rapport à
une ville de passage, un peu tendue. Et puis, j'avais lu plein de
livres qui s'étaient passés là-bas, des trucs
de Burroughs, de Kerouac
Ensuite, on est tous allés
dans le désert à Merzouga, on a fait toute la route
du Moyen-Atlas. Là-bas, on s'est retrouvés en plein
Far West avec ces montagnes rouges. C'était un western sous
le sable ! D'ailleurs c'est marrant, sur la route, on s'est écouté
en boucle le dernier Björk, et dans ce décor-là,
avec cette musique venue du froid, c'était génial
! On a finalement débarqué dans une espèce
d'auberge qui semblait sortir du sable. Là, on est partis
faire du surf sur les dunes. On s'est retrouvé à 7h
du mat avec des mecs en chameau avec les surfs des neiges, ça
valait de spoints ! Quand on est arrivés, on pensait vraiment
que les mecs connaissaient un peu leur truc et en fait rien du tout.
Finalement, on s'est démerdés , on a chaussé
les trucs et voilà. Ça va beaucoup moins vite que
sur la neige, ça glisse moins, mais ce qui est impressionnant
c'est que du coup tu peux prendre des pentes très très
raides tout en maîtrisant ! Après tu remontes à
pied parce que forcement y a pas de tire-fesses. T'as le sable qui
se dérobe, c'est vraiment l'ambiance. A un moment, le mec
me fait : " Deux descentes, c'est bien, tu vas fatiguer là.
" Au final, j'en ai fait 4 et j'ai vomi en haut ! (Rires)
En définitive, on a fait deux excursions et on a surtout
beaucoup travaillé. Au théâtre, avec des conditions
aussi idéales, on se faisait des grosses journées.
On avait les clés, on bossait à l'heure qu'on voulait,
il y avait une boulimie de
comme quand tu découvres
un nouveau jouet, t'as pas envie de te coucher ! Finalement, après
3 semaines et ces 7 premiers morceaux, on a demandé si on
pouvait revenir au Maroc pour enchaîner la suite, mais c'était
un peu compliqué. En même temps, on était dans
la lancée et on ne voulait pas attendre avril pour faire
la deuxième moitié de l'album. On s'est un peu reposés
et on a continué en novembre dans un moulin à Tourzel
Ronzières, à côté de Clermont-Ferrand.
C'était un peu plus austère et moins rigolo que le
Maroc, mais par contre, super conditions aussi, avec des gens adorables
qui nous ont super bien accueillis. Et du coup, voilà, on
a fini l'album, même si ça ne veut pas dire qu'il n'y
a aura pas des morceaux en plus. On se connaît, on aime bien
les surprises de dernier moment ! Mais l'ossature et l'esprit du
truc sont là !
Vous savez avec qui vous allez le produire ?
John Parish (guitariste de PJ Harvey et producteur pour PJ Harvey,
Eels, Giant Sand, Sparklehorse, Ndlr), c'est sûr. On l'a
rencontré par l'intermédiaire de Barclay pour la reprise
de Thank You Satan, il y a maintenant 2 ans. On était
fans de ce qu'il faisait, on était super contents du résultat,
et même humainement, les 3 jours se sont super bien passés.
On aurait bien voulu repartir avec Albini (producteur pour Nirvana
et les Pixies, Ndlr) parce qu' on a adoré bosser avec
lui sur Western sous la neige, mais là, en même temps,
avec Parish, il y a l'excitation de repartir sur un truc nouveau.
Et puis il y a un autre mec qui a répondu aussi suite aux
maquettes qu'il a reçues, c'est Valgeir Sigurdsson (Sigur
Ros, Björk, Mum) qui nous a dit OK aussi. On leur a proposé
de travailler ensemble et ils étaient intéressés
! Malheureusement, Sigurdsson est pris pour une BO avec Björk
jusqu'à mi-juillet et donc ça faisait trop loin. Donc
voilà, on va le faire avec Parish et puis peut-être
qu'il y aura d'autres personnes avec lui. Pour les mixes justement,
on pensait à des mecs comme Sigurdsson ou comme Buck 65 que
j'adore. On ne sait pas la tournure que ça peut prendre,
mais en tout cas, c'est des gens qui me passionnent. Donc, si ça
peut le faire, tant mieux.
Vous n'allez pas partir en Islande comme prévu
au départ ?
Non, c'est mal barré pour l'Islande. Sigurdsson va sûrement
faire des mixes quand même, mais son studio va être
pris. Donc là, on n'est pas encore sûrs, mais Parish
a l'air de connaître un studio qu'il aime bien à Copenhague.
C'est pas mal non plus
Et ça resterait un peu dans le côté
chaud et froid
Exactement. Et 15 jours après, on repart en résidence
au Maroc pour préparer les concerts afin que la boucle soit
bouclées et parce qu'on a beaucoup apprécié
l'accueil là-bas. On fera le premier concert des nouveaux
morceaux dans le fameux théâtre où on les a
répétés ! Ça devrait se faire en juin,
avant la sortie de l'album qui est pour l'instant prévu au
28 août.
Par Nicolas Denans