Chanteurs canons
Dionysos est un groupe
sacrément vivant. Bon vivant, même. A l'image du dieu
qu'il s'est choisi pour emblème, patron du sexe et de l'ivresse,
le sextet de Valence est une sorte d'hérésie marginale
dans le pieux paysage du rock français.
Une incongruité joyeuse et épicurienne qui mélange
avec un enthousiasme de cancres incontrôlables tous les plaisirs,
les effluves, les secousses d'une musique piochée dans les
râteliers, et les meilleurs. Les Dionysos possèdent
la pêche festive de la Mano Negra, la folie loufoque de Gong,
le lyrisme rageur de Noir Désir et le déstructuralisme
électrique des Pixies. Dadaïstes et enfantins, ils raffolent
des comptines absurdes, des contes de traviole, des refrains cinoques
et des arrangements soniques, style Jarry revisité par Beck,
ou Prévert célébrant Bacchus. Vivant, donc
live : les concerts du groupe ressemblent à de torrides bacchanales,
menées par une sorte de lutin bondissant, Mathias le chanteur,
et une violoniste divine, Babet. Cette triple sortie (2 CD, 1 DVD)
représente donc le témoignage intégral des
exploits scéniques de nos feux follets. Un disque électrique,
où le Thank you Satan de Ferré côtoie
le I put a spell on you de Screamin' Jay Hawkins et les tubes
foldingues de la bande, de Coccinelle à Song for
Jedi, en passant par un hommage à John McEnroe. Sur le
disque acoustique, on notera, entre autres surprises, la chanson
générique de Spiderman, flirtant avec le My
rifle, my pony and me, du Dean Martin de Rio Bravo. Le DVD du
concert, enregistré à La Laiterie de Strasbourg, et
agrémenté de clips et de petits films barjots, est
le pendant visuel indispensable à l'univers de ce groupe
bien singulier. Tonique, divin et diabolique, donc dionysiaque
Philippe Barbot