Dionysos rebranché
Après une tournée acoustique, le groupe s'apprête
à électriser la scène de l'Olympia. Rencontre
avec son chanteur, le fantasque Mathias Malzieu.
Zurban: Avant la musique,
tu étais étudiant en cinéma.
Mathias Malzieu: J'avais envie de réaliser, ou bien
de devenir prof de fac. Puis j'ai vécu une espèce d'éveil
qui m'a fait passer de skieur à footballeur, puis à
tennisman invétéré, tout en découvrant
les Pixies, les filles, Fante. Tout est venu en même temps:
le départ de la maison, le début du groupe, les études
de ciné
Une effervescence qui germait depuis un certain
temps.
Le cinéma, c'était
trop de contraintes?
M. M.: Pas du tout. On se crée ses libertés et
elles ne dépendent pas du format. Dans la musique, il faut
aussi se battre pour faire ce qu'on veut, idem quand tu écris
un livre ou quand tu fais un film. La liberté est toujours
difficile à gagner quand tu défends quelque chose de
personnel, mais il y a moyen de s'accrocher sans faire de concessions.
Tu pourrais envisager de te faire
plaisir sans les autres membres du groupe?
M. M.: Non. J'aime l'idée de partager des choses, l'alchimie:
tu arrives avec deux, trois explosifs, tu les mets ensemble dans un
chaudron, ça prend une autre couleur. Ce sont de très
bons véhicules pour la magie, pour atteindre l'exaltation.
J'aime aussi le côté tribu, même si ça peut
être casse-gueule.
Sur scène, tu es connu pour
tes excès. Avec le temps, tu t'es calmé?
M. M.: Petit à petit. Ça ne veut pas dire que
je lève le pied, au contraire. En répartissant son adrénaline,
on peut être plus violent et aller encore plus loin, sans obligatoirement
se casser une jambe, devenir insomniaque ou ne plus rien manger -
ce qui m'arrivait souvent en tournée. C'est comme un rite pour
un voyage initiatique: mettre tout en place pour que la magie soit
là. Ça oblige à la remise en question, car on
est constamment sur le fil.
Comment s'est passée la tournée
acoustique?
M. M.: C'était génial. Une expérience
sans filet, on a réarrangé vingt morceaux, on a beaucoup
appris. Avec du gros son, on peut transposer son énergie dans
tout le corps. Là, les gens étaient assis, ça
ne marchait donc que sur l'écoute. Maintenant qu'on a rebranché
le courant, ça nous donne une autre dimension dans l'électrique.
Passé le moment de la scène,
où vas-tu chercher tes émotions?
M. M.: Dans les livres, les films et les disques, dans la glisse
à roulettes ou sur l'océan - dans le voyage également.
J'ai adoré le dernier disque des White Stripes, le Kills, le
Nick Cave, le Cat Power, je redécouvre Ferré.`
L'univers de Dionysos est délirant.
En dehors du réel?
M. M.: Non, on est dans le réel. Etre libre artistiquement,
se permettre la spontanéité, c'est un acte politique
très fort. Je ne ferai une chanson directement politique que
si je la ressens vraiment, je ne voudrais surtout pas tomber dans
l'exercice de style. Ça ne m'empêche pas de me positionner
contre la guerre en Irak ou contre Le Pen: je ne me censure pas sur
mon imaginaire, et je ne me censurerai jamais sur le politique
Je n'aime pas l'idée de vivre dans les rêves. Ce qui
m'intéresse, c'est d'établir des connexions, mélanger
le premier et le second degré, le rêve et la réalité.
Propos recueillis par Julien Grunberg
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