Zurban - n°142 - Mai 2003

Dionysos rebranché


Après une tournée acoustique, le groupe s'apprête à électriser la scène de l'Olympia. Rencontre avec son chanteur, le fantasque Mathias Malzieu.

Zurban: Avant la musique, tu étais étudiant en cinéma.
Mathias Malzieu: J'avais envie de réaliser, ou bien de devenir prof de fac. Puis j'ai vécu une espèce d'éveil qui m'a fait passer de skieur à footballeur, puis à tennisman invétéré, tout en découvrant les Pixies, les filles, Fante. Tout est venu en même temps: le départ de la maison, le début du groupe, les études de ciné… Une effervescence qui germait depuis un certain temps.

Le cinéma, c'était trop de contraintes?
M. M.: Pas du tout. On se crée ses libertés et elles ne dépendent pas du format. Dans la musique, il faut aussi se battre pour faire ce qu'on veut, idem quand tu écris un livre ou quand tu fais un film. La liberté est toujours difficile à gagner quand tu défends quelque chose de personnel, mais il y a moyen de s'accrocher sans faire de concessions.

Tu pourrais envisager de te faire plaisir sans les autres membres du groupe?
M. M.: Non. J'aime l'idée de partager des choses, l'alchimie: tu arrives avec deux, trois explosifs, tu les mets ensemble dans un chaudron, ça prend une autre couleur. Ce sont de très bons véhicules pour la magie, pour atteindre l'exaltation. J'aime aussi le côté tribu, même si ça peut être casse-gueule.

Sur scène, tu es connu pour tes excès. Avec le temps, tu t'es calmé?
M. M.: Petit à petit. Ça ne veut pas dire que je lève le pied, au contraire. En répartissant son adrénaline, on peut être plus violent et aller encore plus loin, sans obligatoirement se casser une jambe, devenir insomniaque ou ne plus rien manger - ce qui m'arrivait souvent en tournée. C'est comme un rite pour un voyage initiatique: mettre tout en place pour que la magie soit là. Ça oblige à la remise en question, car on est constamment sur le fil.

Comment s'est passée la tournée acoustique?
M. M.: C'était génial. Une expérience sans filet, on a réarrangé vingt morceaux, on a beaucoup appris. Avec du gros son, on peut transposer son énergie dans tout le corps. Là, les gens étaient assis, ça ne marchait donc que sur l'écoute. Maintenant qu'on a rebranché le courant, ça nous donne une autre dimension dans l'électrique.

Passé le moment de la scène, où vas-tu chercher tes émotions?
M. M.: Dans les livres, les films et les disques, dans la glisse … à roulettes ou sur l'océan - dans le voyage également. J'ai adoré le dernier disque des White Stripes, le Kills, le Nick Cave, le Cat Power, je redécouvre Ferré.`

L'univers de Dionysos est délirant. En dehors du réel?
M. M.: Non, on est dans le réel. Etre libre artistiquement, se permettre la spontanéité, c'est un acte politique très fort. Je ne ferai une chanson directement politique que si je la ressens vraiment, je ne voudrais surtout pas tomber dans l'exercice de style. Ça ne m'empêche pas de me positionner contre la guerre en Irak ou contre Le Pen: je ne me censure pas sur mon imaginaire, et je ne me censurerai jamais sur le politique… Je n'aime pas l'idée de vivre dans les rêves. Ce qui m'intéresse, c'est d'établir des connexions, mélanger le premier et le second degré, le rêve et la réalité.


Propos recueillis par Julien Grunberg